Capter l’essence au corps-à-corps.
Saisir les instants de l’éternelle matière , inlassablement fixe, permanente à l’ennui.
Une lampe braquée sur le fruit, la lumière tamisée interroge, elle chauffe sans y croire la peau rugueuse qui résiste à tout. L’orange fière ne cille pas. Coriace, désespérément lisse, l’agrume ne transige pas, ou si peu.
L’apparence résiste, la pulpe stagne. Le vif tissu s’assèche : le voilà qui construit sa carapace redoutable pour figer l’image immortelle de l’orange intronisée dans sa chair.
Une semaine s’écoule. Rien. Puis deux, trois ; un mois. Rien. Nul effet perceptible sur l’orange inflexible face à la marche du temps qui semble suspendu, incohérent quand il ne parvient pas à infléchir la ténacité de cette peau visiblement immortelle.
File, file le temps file, et jamais la métamorphose attendue ne se déploie.
Octobre passe, vient novembre : l’orange, elle, demeure comme éteinte, décalée, hors du temps.
Sacré pied de nez à la nature.
Suprême est une œuvre contemplative qui invite à la méditation sur la vanité du vivant, inattendu et subversif. Le temps s’avère désarmé face à la plastique qui s’en joue.
Le terme « suprême » désigne ce qui est au-dessus de tout, et que rien ne peut dépasser. Il est le substrat sublimé qui a résisté. Le suprême, c’est l’absolu, ce qui demeure, l’essence la plus intense et la plus vivement ressentie qui se révèlera à l’ultime instant avant de disparaître et s’éteindre. Dans le temps dissipé,
voilà que l’on cherche le vestige qui s’attarde, celui de l’orange qui s’impose et reste.